Besoin de communiquer? Gazouillez. (Apparemment!)

Par Jeanine Hage - Février, 2013

« C’est quoi apprivoiser », demanda la Petit Prince. « Apprivoiser, c’est créer des liens », répondit le renard.


A l’ère des réseaux sociaux, des courriels ainsi que des téléphones intelligents, qui nous servent de téléphone, de calendrier, d’Internet portable, de météorologues, de diététistes et bientôt d’experts en soins de santé, communiquons-nous ensemble beaucoup plus? Techniquement oui (ou technologiquement, je devrais dire), mais socialement, je me le demande.


En 1971, bien avant l’illustre renaissance technologique, à l’époque numérique médiévale préalable à Facebook, Twitter et compagnie, l’économiste M. Simon a écrit « l’information use notre attention ». Récemment, je me suis arrêtée sur cette phrase, qui m’a amenée à partager ma réflexion avec vous.


De nos jours, tout le monde se plaint de manque de temps. En fait, le temps est devenu une denrée rare. Or, la société contemporaine est branchée en permanence… d’où le paradoxe.


Il va sans dire que les réseaux sociaux facilitent la création de liens et donne une visibilité aux entreprises, aux individus et aux produits, …mais celui qui a tout compris est Twitter avec le nombre de caractères réduit à 140… Génial!


La durée d’attention de celui qui va prendre le temps de lire est de 140 caractères tout au plus… Les diverses applications de messagerie quant à elles, sont encore plus pratiques. La qualité de la langue n’étant plus tant valorisée, « c u 2morrow » devient parfaitement acceptable.


Au quotidien, nous sommes assaillis de tous côtés par l’information. En revanche, que retenons-nous de l’information communiquée? L’analysons-nous? Nous communiquons sans cesse mais créons-nous des liens? Ou la définition de lien a changé, elle est devenue plus lointaine, numérique, virtuelle?


Auparavant, toujours à l’époque où notre monde baignait dans les ténèbres technologiques, le téléphone ne sonnait pas à l’heure du souper… une forme de code social non-dit que tout le monde respectait. Aujourd’hui, un courriel (avec un bip ou une vibration) pourrait facilement rentrer à 23h sans crier gare. A nous de résister à ce fameux bip.


Les bienfaits de la révolution technologique et de la révolution de l’information sont incontestables. Mais comme toute autre révolution, elles ont des effets collatéraux. Je pense notamment aux trois éléments suivants :


  • Notre attention et notre concentration souffrent d’une sur-stimulation liée à la surabondance d’information.

  • La qualité de la langue, de la grammaire et du vocabulaire prend le large.

  • Notre perception du lien devient confuse.


Revenons au lien… Nous ne prenons plus le temps d’apprivoiser. D’ailleurs, les experts en marketing nous préviennent que les réseaux sociaux ne suffisent pas à eux seuls à créer un bon cercle de contacts et qu’il faut toujours faire un suivi personnel, un contact personnel.


Or, il n’y a pas d’outils pour passer du contact numérique au contact personnel. La technologie s’arrête là et le retour aux sources commence… L’outil, c’est notre personnalité, notre caractère, notre degré de confiance… La source, c’est la rencontre en personne, un appel téléphonique, un repas partagé sans le bouclier de notre écran et de notre clavier.


« C’est quoi apprivoiser », demanda le Petit Prince. « Apprivoiser, c’est créer des liens », répondit le renard. « C’est quoi créer des liens », se demanda le XXIe siècle?